Extrait du livre de!: Daniel ODIER (p.173-177), Désirs, passions et spiritualité, © Daniel ODIER, 1999 © 1999, Editions JC Lattès pour l’édition française. ISBN 2-266-10075-0
L’orgasme tantrique pour les hommes Le travail est le même (que pour les femmes) mais il s’accompagne de la dissociation de l’orgasme et de l’éjaculation. La plupart des auteurs parlent à ce propos de «!contrôler l’éjaculation!», alors qu’il s’agit au contraire d’abandonner tout contrôle dans une détente très profonde de la respiration. Plusieurs maîtres cachemiriens, dont Devî, utilisent le massage comme une sorte de yoga. Grâce à l’état contemplatif du masseur, celui qui reçoit peut, petit à petit, s’abandonner totalement et laisser émerger une merveilleuse conscience du corps qui apporte une grande fraîcheur, une grande spontanéité.
C’est l’une des beautés de ce travail cachemirien où le corps est sans cesse maintenu en frémissement afin que la conscience l’occupe entièrement. Par le massage des points situés sur des méridiens, les fonctions respiratoires se détendent. Le diaphragme s’assouplit, les muscles profonds se relâchent. Toute la région du bassin trouve une autonomie et une détente qui vont permettre d’arriver progressivement à « oublier!» l’éjaculation sans retenir quoi que ce soit. Ceux qui pensent que les tantrikâ retiennent quoi que ce soit n’ont pas assimilé les principes de base qui sont ceux d’une détente totale, physique et mentale. Un esprit qui ne produit rien au cours du rapport sexuel, associé à un corps qui s’abandonne totalement, voilà la pratique des tantrikâ. Elle est bien sûr impossible sans que la conscience soit profondément libérée à travers tout le corps/esprit. Tout homme sait que l’idée même de se retenir engendre une tension physique et mentale préjudiciable à l’abandon dans les rapports sexuels. Celui qui se retient est dans une posture de fuite par rapport à la femme qui « se donne!». Cette attitude installe une brisure dans la communication, une divergence d’esprit qui glisse vers une divergence de sensibilité dans le désir.
Si les tantrikâ ont pensé et mis au point cette féminisation des réflexes de l’homme, c’est en grande partie grâce à l’enseignement des yoginî soutenues par tous les maîtres hommes. Ce qu’ils visent, c’est de nous ouvrir à la durée extatique, au frémissement continu moissonné par les sens ouverts des yoginî et des yogin. L’extase est pour eux un état naturel. Tout nos réflexes énergétiques bloquent ce flux, particulièrement l’éjaculation. Pour qu’un homme soit en mesure de suivre une femme sur les vagues successives du plaisir, il n’a qu’une solution, devenir une femme énergétique, c’est-à-dire s’abandonner totalement.
Lorsque l’excitation sexuelle ne trouve plus son rapport habituel à l’ego, c’est l’espace qui pénètre l’homme et la femme. On les dit alors «!vêtus d’espace », ou «dansant dans l’azur », non seulement pour indiquer qu’ils aiment, comme Lalla, se promener nus, mais pour signifier qu’ils sont nus intérieurement et sont devenus l’espace.
Le massage des points situés autour du pubis permet, lorsque les points de la respiration ont été libérés au niveau du diaphragme et de l’abdomen, d’atteindre une respiration sans inhibition dont la profondeur et la lenteur vont permettre«!le miracle!» de l’orgasme sans éjaculation. Contrairement aux habitudes, le rythme amoureux des yogin commence dans une ardeur passionnée où tout est mis en œuvre pour porter l’excitation à son comble. Plus l’union se prolonge, plus le rythme va ralentir, jusqu’à l’immobilité totale. Tous les processus vont tendre à l’accalmie alors que l’extase elle-même va suivre une montée fulgurante.
D’un point de vue pratique, la yoginî qui a pour mission de former le tantrikâ à la Grande Union va tester ses progrès sur la voie de l’abandon en le stimulant sexuellement par tous les moyens. Ceux qui pratiquent la retenue sont alors démasqués. Aucune retenue ne résiste à la stimulation adroite d’une femme sensuelle ou d’une Shakti.
Lorsque l’éjaculation se produit, ce n’est pas un échec, la yogînî s’en servira pour que l’aspirant prenne conscience du processus éjaculatoire dans la succession très rapide de ses phases. Parfois, au début, la yoginî se servira de diverses pressions (banda) destinées à court-circuiter l’éjaculation, au niveau périnéen ou deux doigts au dessus du téton droit.
Mais ce ne sont là que des ruses provisoires pour faire éprouver à l’aspirant qu’il peut se laisser aller à l’orgasme sans aucun plan de retenue et que, malgré cela, l’éjaculation n’a pas lieu. C’est, au début, une véritable révélation pour un homme.1Peu à peu, l’habitude de se détendre mentalement et physiquement par rapport à un but fera merveille. L’aspirant relâchera totalement sa respiration et, un jour, la yoginî habile ne pressera plus l’un des points inhibiteurs, alors, dans une surprise totale, l’aspirant connaîtra un, puis une succession rapide d’orgasmes sans éjaculer. Si les femmes ont souvent besoin pour passer d’un orgasme à l’autre d’une période de remontée, elles découvriront dans la détente totale que ce temps de reconstruction énergétique n’est plus nécessaire. Chacun peut alors faire franchir les différents paliers d’excitation jusqu’aux niveaux subtils où l’orgasme va
être quasiment continu ou en tout cas très long, pour l’un comme pour l’autre.
Au cours de la nuit, placés au centre du diagramme magique (yantra) où chacun est reconnu comme une incarnation du divin, Shakti/Shiva, par le toucher rituel de toutes les parties du
corps (nyasa), yoginî et yogin vont atteindre l’état d’immobilité, sans aucune contraction volontaire mais dans l’abandon total au frémissement dans une union qui dure toute une nuit. Lorsque l’initiateur est un maître authentique, cette expérience peut déboucher sur une montée de Kundalini, autrement dit sur la présence de la Shakti sous forme d’énergie. Libérée dans notre école par l’ouverture du Cœur et non par le travail sur les centres de base, c’est une
expérience plus douce et plus sphérique que celles décrites par les différents auteurs qui en ont fait l’expérience ou qui relatent des expériences faites par d’autres2.
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1. Voir le récit de mon initiation: Tantra, l’initiation d’un Occidental à l’amour absolu, op.cit.
2. Voir Kundalini, !’énergie évolutive de l’être de Gapi Krishna, coll. Voyageurs Immobiles, JC Lattès, a paraître en novembre 1999. Kundalini, Agbora II, de Roben Svoboda, Le Relié, 1999.
La Kundalini, énergie des profondeurs, Lilian Silburn, Les Deux Océans, 1983.
Kundalini, le secret de la vie par Swfuni Muktananda, éditions Saraswatî, 1995.
The Kundalini expérience, de Lee Sannella, Integral Publishing, 1992.
La Puissance du Serpent, de Arthur Avalon, Paul Derain, 1959.
Kundalini, The arousal of Inner energy, Ajit Mookerjee, Thames & Hudson, 1982.